Aujourd'hui encore tout le monde se souvient des chansons, d'ailleurs traduites en russe !
Pour certains, le titre de Shree 420 (Monsieur 420) peut encore paraître mystérieux. C'est quoi ce 420 ?
Et bien, il s'agit du numéro de l'article du code pénal indien qui s'applique aux escrocs. D'ailleurs, en Inde, quand on parle d'un fraudeur, on le qualifie de 420.
Sorti en 1955, soit 8 années seulement après la partition, alors que Nehru, Premier ministre mène une politique de logement des sans-abri, Shree 420 reflète à la fois l'optimisme du début de l'ère nehruvienne et la triste situation sociale du pays, qui poussait déjà les plus pauvres vers des villes peu prêtes à les accueillir, faute de logements.
Raj Kapoor n'apporte pas de solutions aux problèmes, hormis en répétant avec son optimisme habituel, qu'il faut trouver du travail pour gagner de l'argent et pouvoir se loger.
Le film décrit un homme qui, dès le départ, est un menteur patenté mais sympathique, faible et naïf (très inspiré par Charlot) que l'attrait de l'argent va pousser petit à petit vers la délinquance.
Le faible Raj va balancer entre 2 femmes aux prénoms symboliques : Vidya (la sagesse) et Maya (l'illusion). La fin est un secret de Polichinelle, puisque le héros doit avoir de la morale !
*
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Comme avant tous les R.K. Films, on entend et on voit d'abord Prithviraj Kapoor, le père de Raj Kapoor, faisant une prière à Shiva.
Ensuite vient le certificat de censure qui précise, ici à la plume (pas encore à la machine), hormis le titre du film, le nombre de bobines (19) précédé de la longueur de la pellicule, et la nouvelle date du visa de censure. Le film étant sorti en 1955, on voit que le visa est renouvelé en 1975 pour 10 ans.
Réalisateur
Raj Kapoor
Producteur
Raj Kapoor, R.K. Films
Compositeurs
Shankar-Jaikishan
Sur la route
Raj, un orphelin, quitte sa campagne à pied vers Bombay pour y un trouver du travail.
Puisque l'auto-stop au bord de la route n'a pas l'air de fonctionner, il s'allonge en travers du chemin, comme évanoui...
Et se fait prendre en voiture par le célèbre et riche Seth Sonachand Dharmanand, fier de servir l'humanité en recueillant ce pauvre hère.
Bientôt conscient qu'il s'est fait duper, Seth traite Raj de tous les noms d'oiseaux et le renvoie sur sa route et à ses 420 kilomètres (rappel du titre du film : remarquez que la plaque de la voiture porte le numéro 840, soit le double ; on comprend pourquoi en voyant le film ).
Raj continue son chemin par tous les moyens de transport comme le dromadaire ou l'éléphant, et finit par atteindre la ville bruyante et surpeuplée de Bombay...
Chanson Mera Joota Hai Japani par Mukesh
Traduction du refrain de cette chanson-culte
Mes chaussures sont japonaises
Mon pantalon est anglais
Mon chapeau est russe
Mais mon cœur reste indien
A Bombay, bousculé de droite et de gauche, sursautant aux nombreux klaxons, il finit par lier conversation avec un mendiant qui lui fait clairement comprendre que dans cette ville, c'est l'argent qui règne.
– Mais moi, je veux travailler ! D'aillleurs qui me refuserait ; moi, j'ai un brevet et même une médaille d'honnêteté !
– Ce qui compte dans cette ville, c'est l'argent. Si tu sais mentir et arnaquer, il y a 420 façons de gagner sa vie. Ici, c'est Bombay...
Un peu dépité, Raj s'éloigne et se dirige vers une vendeuse de bananes, Ganga Mai (Mère Gange). Après avoir inutilement discuté les prix, car il n'a pas d'argent, il finit par recevoir de la marchande, qui pense au fils qu'elle n'a pas, quelques fruits qu'il lui réglera plus tard.
Habitué au partage, Raj offre une banane à un petit garçon, et lance volontairement la peau sur la chaussée. Quelques secondes plus tard, une jeune femmes glisse dessus, et se relève en pestant contre les malappris.
Elle ramasse ses livres puis se rend chez le prêteur où elle vient gager des bracelets pour son école.
– S'il te plaît, garde tes bracelets et prends l'argent chez le caissier. Tu me rembourseras quand tu pourras, lui propose le prêteur.
Raj arrive au même moment dans la boutique.
– Et vous monsieur ? Vous voulez vendre ou acheter ? demande le tenancier devenu moins amical.
– Moi ? Je veux vendre... vendre mon honnêteté.
Son honnêteté ? pense la jeune femme en quittant la boutique.
C'est la vendeuse de bananes, Ganga Mai, qui tient lieu de mère à tous les sans-abri, qui va l'accueillir sur le trottoir où elle règne, sous le balcon d'un certain Seth Sonachand Dharmanand.
Comme chaque soir, les sans-logis expriment leur joie de vivre (malgré tout) au son des tambours et des chants, qui ne plaisent pas à tous et surtout pas à Seth Sonachand Dharmanand...
Chanson Dil ka Haal Sune Dilwala par Manna Dey
Et la voiture de police finit par arriver pour rétablir le silence demandé par le riche voisin. La fête est terminée.
Le lendemain matin
– Vous ne pouvez pas dormir ici, rentrez chez vous maintenant, allez !
– Monsieur l'agent, je me suis disputé avec ma femme, plaide Raj, elle m'a jeté dehors, alors j'ai dû dormir ici...
Débarrassé du policier amusé, Raj se promène sur la plage tout en admirant les jeunes filles en maillot de bain, et sans s'apercevoir qu'il vient d'écraser un château de sable.
– Elle !
– Vous êtes de ceux qui détruisent au lieu de construire, et qui vendent de l'honnêteté ?
– Que dois-je faire alors ?
– Allez vous noyer ! rétorque la jeune femme pour se débarrasser de l'intrus.
Et voilà Raj qui part vers les rochers où il perd soudain l'équilibre et tombe à l'eau, pendant que la jeune femme se précipite vers lui et saute dans les vagues pour le sauver.
– Vous vouliez vous suicider ? demande la jeune femme essouflée en arrangeant ses vêtements trempés.
– Mais c'est vous qui...
– Puisque c'est comme ça, j'appelle un policier. Poliiiice !
Raj prend aussitôt le policier (toujours le même) à part :
– C'est elle, ma femme ; un vrai poison derrière son visage de lune (on compare souvent le visage d'une jolie femme à la lune) ! Dites-lui qu'on doit rentrer à la maison, je vous en serai reconnaissant !
– A la maison avec lui, Monsieur le policier ? Mais je ne...
– Allez-y immédiatement !
– Arrêtez de me suivre, je suis arrivée !
– Vidya !
– Aïe ! C'est Petaji (Papa)...
– Avec qui discutes-tu, Vidya ?
– Avec moi, Petaji, crie Raj. Je vais entrer, fait-il, en bousculant Vidya qui veut l'en empêcher, en vain.
– Petaji, je te présente... je te présente, il s'appelle...
– Ranbir Raj (ce sont les véritables prénoms de Raj Kapoor), fils du Pandit Omkarnath Shastri. Monsieur, dites à votre fille de ne jamais plonger dans des eaux profondes, il ne faut pas jouer avec la vie que Dieu nous a donnée.
– C'est vrai, vous avez raison... mais vous êtes trempés ! Vidya va te changer et fais du thé pour notre invité (Vidya sort en colère).
– Merci Monsieur Raj, elle est toute ma vie...
– C'était mon devoir, se vante Raj, sourire aux lèvresVidya apporte le thé et le tend brutalement à Raj.
– Attention, c'est chaud... les menteurs s'y brûlent la langue...
– Moi, c'est le cœur, réplique Raj.
– Vidya, tu dois y aller, les enfants attendent, rapelle le père.
– J'y vais, Petaji
– Les enfants ? demande Raj.
– Oui, ils sont 50...
– Ah ! Une école, répète Raj, soulagé.
Vidya est partie rejoindre ses élèves et leur pose des devinettes au tableau pendant que Raj écoute.
Chanson Eechak Dana Beechaak Dana par Lata Mangeshkar et Mukesh
Raj participe, amuse les enfants, et pris dans un élan de gentillesse, il leur donne congé malgré la résistance de Vidya, furieuse.
– Vous les renvoyez s'amuser pour qu'ils deviennent inutiles comme vous ?
– C'est vrai, je n'ai pas de travail, mais je ne suis pas illettré, c'est ça ma tragédie... J'ai un diplôme.
– Encore un mensonge !
– Si j'avais de beaux habits et une voiture, vous ne m'auriez pas appelé inutile... Dommage que les pauvres oublient les pauvres.
– Encore un mensonge !
– Si j'avais de beaux habits et une voiture, vous ne m'auriez pas appelé inutile... Dommage que les pauvres oublient les pauvres.
– Vu mon allure, je garde toujours mon diplôme sur moi, regardez...
– Je suis désolée... mais je ne comprends pas pourquoi vous avez cette attitude de clown.
Raj va dessiner au tableau :
– Pour cacher son désarroi, rien ne vaut le masque du clown (on les voit déjà dans le générique).
– Attendez, ne partez pas, je peux vous aider ?
– Maintenant, je vais suivre mon destin et vous verrez qu'un jour je serai riche et connu, on m'admirera et on me respectera !
Sur un terrain vague de Bombay
– Rien ne vaut la culture nationale ! Regardez un peu comme je suis habillé : des pieds à la tête, tout a été fabriqué en Inde !
A un jet de pierre, Raj, debout sur une caisse rameute les passants :
– Mes chaussures sont japonaises, mon pantalon anglais, mon chapeau russe, mais mon cœur reste indien ! (rappel de la célèbre chanson du début) !
– Quoi de plus important que le pain, les roti, nan, chapati, rappelle Raj. Mais que faut-il pour en manger ?
– De l'argent, répondent les badauds de plus en plus nombreux autour de Raj qui gesticule.
– Oui, bien sûr de l'argent, répond Raj, mais aussi de bonnes dents ! Sinon, c'est la maladie qui guette puis l'affaiblissement de tout le pays, et l'invasion qui va faire de nous des esclaves...
– Seulement 4 annas pour un flacon de poudre de lune et de soleil pour des dents solides... Faites la queue, s'il vous plaît, faites la queue...
– Je crois que je vois un 420 qui vend de la poudre, murmure Seth à son serviteur. Tu n'as pas envie de l'essayer ?
– Elle vient d'où, votre poudre ?
– De Chowpatty (une plage de Bombay), répond Raj,
– Il vous vend du sable, c'est une arnaque ! s'exclame l'infiltré.
– Il vous vend du sable, c'est une arnaque ! s'exclame l'infiltré.
Et Raj s'extirpe de la foule pour éviter les coups qui tombent de tous côtés.
Sur le trottoir
Raj retrouve ses amis sans-logis qui lui soignent le bas du dos avec une brique chaude.
– C'est bien fait pour toi ! Ça ne se fait pas des choses pareilles...
– Pour certains oui, mais il faudra travailler pour payer le loyer, répond songeusement Raj.
– Tu n'y retournes pas ? s'exclame Raj, sidéré. Donne-moi le nom !
– La blanchisserie Jai Bharat (Jai Bharat signifiant "Vive l'Inde")
A la blanchisserie Jai Bharat
Raj se présente pour du travail.
– Vous connaissez déjà le métier ?
– J'ai travaillé à la Sunlight Soap Laundry à Madras (c'est trop loin de Bombay pour vérifier)... je suis d'une lignée de laveurs !
– Mais vous avez l'air d'un clown... vous travaillez dur ? Vous êtes honnête ?
Raj aquiesce à toutes les questions.
– Alors, je vous prends pour 45 roupies et vous commencez tout de suite.
(On entend des violons qui pleurent) |
A l'école de Vidya
C'est l'heure du cours d'orthographe. Elle apprend aux enfants à écrire les lettres du dieu Ram, et petit à petit, en changeant une lettre, il devient Raj.
– Répétez, les enfants !
– Raj... Raj... Raj...
A la blanchisserie
Raj repasse un costume qu'il verrait bien sur lui...
A la porte de Vidya, le soir. Toc, toc.
– Oh, c'est vous ! dit Vidya, étonnée.
– Je viens vous apporter ça... Vous allez bien ? Et votre père aussi ?
– J'ai une bonne nouvelle, j'ai acheté une blanchisserie à Parsi Bazaar, passez me voir un jour. Et j'ai un nouveau costume. Je suis tellement occupé, que je n'ai pas eu le temps de changer de chaussures... Je vous laisse maintenant...
– Je passais voir comment marche la blanchisserie...
– Très bien, argumente Raj. Avec 15-20 employés, je suis le boss ! Je mange et je bois bien... Qu'est-ce qui vous ferait plaisir ? Un thé au Taj ou au Greens (établissements de luxe) ?
– Non, non, c'est bien trop loin...
– Alors... allons à mon palace sur le trottoir, juste à côté...
Elle s'assied sur le banc.
Raj va commander 2 thés avec sucre et lait.
– Et les 6 roupies 10 annas que tu me dois ? demande le marchand.
– J'ai du travail maintenant, je te les rembourserai très vite... mais le thé d'aujourd'hui... regarde-la, mon honneur est en jeu.
Raj rejoint Vidya et les 2 thés arrivent prestement. Le marchand fait un signe de la main pour réclamer l'argent.
– Vous avez 2 annas ? demande Raj à Vidya. Il n'a jamais de monnaie sur 100 !
Vidya paie et boit son thé.
– Vidya, je peux dire quelque chose ?
– Bien sûr...
– Si deux jeunes gens tombent amoureux, ils devraient se marier, non ? Puis avoir des enfants... Ils auraient besoin d'une maison et de vêtements pour habiller les enfants, et puis les enfants iraient à l'école...
Vidya... je ne possède que 45 roupies dans la blanchisserie. Comment rêver de mariage ?
– Un homme ne peut pas y arriver tout seul. Mais à deux, on peux essayer...
– Vous voulez dire vous et moi ? Moi et toi ?
– Demain, j'irai rendez visite à ton père... (ce qui signifie qu'il va la demander en mariage).
Chanson Pyar Hua Ikrar Hua par Lata Mangeshkar et Manna Dey
LA chanson d'amour du cinéma indien
(On s'est avoué notre amour)
LA chanson d'amour du cinéma indien
(On s'est avoué notre amour)
3 commentaires:
admirable... quel boulot ! une filmoscopie comme ça doit prendre au moins deux semaines de boulot
chapô !
Merci Dilipin
Je ne compte pas mon temps quand je fais les filmiscopies parce que j'adore. En en fait, celle-ci s'est étalée sur 2 mois car je fais le blog habituel en même temps.
Qui a dit "elle est folle" ? C'est vrai !
Bibi,
Sally
Ah Merci , c'est tellement bien fait !
C'est le premier film Hindou que j'ai vu, j'avais 3 ou 4 ans , je suis tombée amoureuse de la chanson Pyar HUA IKRAR hUA HAI , quel film magnifique .
Narjis et Raj forment un très beau couple sur scène qu'on dirait pas qu'ils jouent de la comédie .
dans la chanson "Pyar hua ikrar" quand elle le regarde avec ses yeux qui brillent , on aurait juré qu'elle ne jouait pas mais l'aimait pour de vrai.
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